Voici quelques lignes que j’aurais bien aimé lire à un certain moment de ma grande aventure. Il y a des histoires qui se terminent bien, mais il y a aussi des histoires d’injustice. Ces mots s’adressent à ceux qui ne vivent pas des dénouements heureux et qui aimeraient savoir qu’ils ne sont pas seuls. Le but n’est pas de décourager, mais parfois, on en a marre des belles histoires...
En 2003, je vivais une vie de jeune adulte remplie d’espoir. Ayant terminé mes études en ingénierie, je travaillais avec acharnement à me forger une expérience solide et enrichissante dans mon domaine d’expertise. Entouré de jeunes collèges stimulants et enthousiastes, je ne comptais pas les heures ni les sacrifices au travail tout en essayant de garder un équilibre entre la carrière, les intérêts divers, le temps passé avec les gens que j’aime et, bien sûr, la santé par un régime de vie sain et actif.
À l’automne 2003, je venais tout juste de finir ma saison d’entrainement de course qui devait se clore par une participation au marathon de Montréal. J’étais un peu déçu de mon entraînement estival entrecoupé d’interruptions et j’avais décidé de faire la demie distance, ce que j’ai complété avec plus ou moins de brio. Je me disais que ce n’était que partie remise, je n’avais pas dit mon dernier mot.
Peu de temps après, alors que je me plaignais d’une enflure au bras gauche, mon père me conseilla fortement de ne pas traîner et d’aller consulter un médecin. Un bras, ça n’enfle pas pour des raisons banales, disait-il. Je croyais plutôt que c’était attribuable à mon entraînement.
Après une brève visite au CLSC, j’ai été redirigé au CHUM Notre-Dame pour des tests plus approfondis. Une simple radiographie du thorax fut suffisante. Une boule d’une dizaine de centimètres logeait confortablement entre mes deux poumons. En quelques minutes, on soupçonna un cancer, probablement un lymphome. Je me disais que c’était impossible, puisque je ne me sentais pas si mal que ça. Bon, j’avais bien un peu de fatigue, mais qui n’en a pas? J’avais de l’appétit, pas de sueurs nocturnes, rien qui ne pouvait laisser présager une atteinte si grave.
Voilà qu’on m’annonçait que je serais hospitalisé le soir même. Pas de temps à perdre, il y avait une batterie de tests à effectuer. On accepta tout de même de me laisser aller souper chez moi, récupérer quelques effets personnels, un livre… En sortant de l’hopital, j’ai pris le premier banc public, j’ai fondu en larmes. J’y suis resté, une demi-heure, une heure, inconsolable.
Pas de panique, les pronostics sont très bons dans ce domaine, tu devrais t’en sortir assez facilement, disait-on dans mon entourage. Entouré des meilleurs spécialistes, je savais que j’étais au bon endroit. Le premier traitement a tenu sa promesse, j’étais en rémission après quelques mois seulement. On a fêté ma victoire sur la terrible maladie. Je suis retourné au travail avec le regard un peu changé, ne sachant trop comment m’expliquer ce qui m’était arrivé et surtout pourquoi moi. Réjoui d’avoir une nouvelle chance, j’étais en même temps terrifié. Quel aspect de ma vie devais-je changer? Qu’avais-je fait pour tomber du mauvais côté des statistiques? Un McDo une fois de temps en temps, ça ne peut pas donner le cancer?
Moins d’un an plus tard, en janvier 2005, la maladie récidiva. Le traité de paix ne tenait plus, le combat recommençait. Cette fois-ci, ça allait être plus difficile. Les traitements se sont succédés à un rythme effréné, du plus efficace jusqu’aux tentatives moins prometteuses. Des plus éprouvants aux moins incommodants: greffe de cellules souches, chimiothérapies à fortes doses, radiothérapie. Mon jeune âge et ma bonne condition m’ont permis de traverser bon nombre de traitements. On essayait de contrôler la maladie, mais en vain. Il n’allait y avoir que de courts épisodes de repos.
Aujourd’hui, j’entends encore à l’occasion des gens me dire qu’un lymphome ça se guérit très bien, que près de 80% des gens s’en sortent. L’histoire de Saku Koivu, Richard Petit, celle d’un ami dont la mère s’en est très bien sortie… Même Lance Armstrong, jeune et plein de ressources, atteint d’un cancer généralisé et qu’on disait condamné a défié les pronostics les plus sombres. On pourrait donc croire que les patients qui ont succombé à la maladie étaient atteints d’une forme extrêmement rare de la maladie, qu’ils devaient refuser les traitements, qu’ils n’aimaient probablement pas la vie, qu’ils étaient déjà très âgés, des gens qui n’avaient pas une bonne santé au préalable ou tout simplement de ceux qui ne faisaient pas attention à eux. Eh bien non, pas nécessairement.